Réflexions autour du mariage : Le mariage juif, à quoi ça sert ? Témoignage de Aharon B, Jérusalem.

Soixante-quatre ans et vingt-sept années de mariage concluent par un divorce. Trois enfants adultes adorables. A la veille de la grande-paternité. Il serait légitime de se questionner sur ma quête tardive d’une nouvelle aventure matrimoniale, non ? La question, je me la suis posée.

Pour ceux qui auront la curiosité de lire la suite, sachez que mes mots ne sont pas ceux d’un Rabbin traditionaliste ou branché, ni ceux d’un psychologue réputé et médiatisé, ni même ceux d’un coach amateur Youtubeur du dimanche, cet écrit constitue un témoignage, porté par quelques années d’expérience, d’études et de réflexions, d’écoutes et d’observations.

Alors bien entendu, tout ce qu j’écris ici est sujet à caution, Nulle vérité énoncée, la seule ambition de ce texte, le partage de quelques pensées qui peut-être en susciteront d’autres bien plus précieuses, les votre.

Le monde produit de la séparation

Inutile de faire une enquête poussée pour constater que notre réalité se caractérise par les mécanismes de la séparation. La vie et ses lois l’exigent. Sur un plan biologique, psychanalytique, idéologique, politique, religieux, sportif, rien n’échappe à la règle, séparation opposition. Les nouveaux nés sont séparés de leur mère pour devenir des ados rebelles, le jour chasse la nuit, le chaud combat le froid, le blanc se grise en présence du noir, les socialistes militent contre les capitalistes et les végans haïssent les mangeurs de viande.

Dans ce Monde, les corps font la loi, ils réclament la séparation pour être identifiables, reconnaissables et nommables, c’est leur nécessité existentielle. Les unir est un acte presque contre nature.

Le lien entre les êtres passe par l’âme

Mais l’homme n’est pas qu’un corps. Pour ceux qui y croient, il est aussi porteur d’une âme, une entité venue d’ailleurs, une sorte d’extra-terrestre qui fonctionne très différemment de l’hôte qui l’accueille, on pourrait même dire de manière radicalement contraire. Les âmes, elles, réclament le lien, prétendent au contact, espèrent l’union.

Ma réponse à la question posée plus haut est précisément là. Supprimer la dictature des corps pour offrir le pouvoir à l’âme. Ceci n’est possible que dans le cadre du couple. Il n’existe aucun autre espace qui le permette. Voilà pourquoi quel que soit son âge, son histoire, ses échecs, il faut persévérer, encore et encore, aucune autre mission ne compte face à celle-ci, réaliser l’impossible et échapper à tous les déterminismes. Alors que tout s’y oppose, nous devons espérer produire du surnaturel, en créant un lien authentique et ainsi donner la parole à l’âme. Au point où j’en suis autant lâcher le mot.

Le lien nommé amour

Ce lien se nomme amour. En fait, dire qu’il faut le créer est faux, car il préexiste, il est déjà là, bien avant de constater sa présence, car il est la matière constitutive de l’âme. Aimer est un travail d’archéologue, il faut mettre à jour, déterrer ce qui est caché, enfoui dans la terre matière primordiale dans laquelle l’Homme,  »Adam » a été façonné.

Une preuve ? La bénédiction des Cohanim :  »Béni soit l’Eternel, le Maître du Monde… … qui nous a ordonné de bénir le Peuple d’Israel avec amour » traduisons nous communément. Il serait plus juste, me semble-t-il, de dire  »… avec L’amour ». L’amour n’accompagne pas la bénédiction, il en est l’outil. Lui seul permet toutes les transmissions, autorise tous les passages, nourrit les êtres.

A quoi bon se marier ?

Alors finalement, à quoi bon se marier ? Pour réaliser l’impossible, pour être l’objet du miracle.

La lumière qui traverse l’espace est invisible, on ne décèle sa présence que lorsqu’elle rencontre un objet à éclairer. De la lumière, on ne voit que son effet et réciproquement cet effet révèle sa présence. L’amour se déploie sur le même mode, il révèle l’être aimé et prouve l’existence de celui qui aime. L’homme est alors enfin créé, voilà le miracle.